French 271

Assignment: Montaigne, “De l’amitié” (Essais, I, 28)

Considérant la conduite de la besogne d’un peintre que j’ai, il m’a pris envie de l'ensuivre. II choisit le plus bel endroit et milieu de chaque paroi pour y loger un tableau élaboré de toute sa suffisance, et, le vide tout autour, il le remplit de grotesques, qui sont peintures fantasques n’ayant grâce qu’en la variété et étrangeté. Que sont-ce ici aussi, à la vérité, que grotesques et corps monstrueux, rapiécés de divers membres, sans certaine figure, n’ayant ordre, suite ni proportion que fortuits?

 

C’est le corps d’une belle femme finissant en queue de poisson.
(Horace, Art poétique, 4)

 

Je vais bien jusqu’à ce second point avec mon peintre, mais je demeure court en l’autre et meilleure partie, car ma suffisance ne va pas si avant que d’oser entreprendre un tableau riche, poli et forme selon art. Je me suis avise d’en emprunter un d’Etienne de La Boétie, qui honorera tout le reste de cette besogne. C’est un discours auquel il donna nom La Servitude volontaire; mais ceux qui l’ont ignoré l’ont bien proprement depuis rebaptisé Le Contre Un. Il l’écrivit par manière d’essai, en sa première jeunesse, à l’honneur de la liberté contre les tyrans. II court depuis longtemps dans les mains des gens d'entendement, non sans bien grande et méritée recommandation : car il est gentil, et plein ce qu’il est possible. Si y a-t-il bien à dire que ce ne soit de mieux qu’il pût faire; et si, en l’âge que je l’ai connu, plus avancé, il eût pris un tel dessein que le mien de mettre par écrit ses fantaisies, nous verrions plusieurs choses rares et qui nous approcheraient bien près de l’honneur de l’Antiquité ; car, notamment en cette partie des dons de nature, je n’en connais point qui lui soit comparable. Mais il n’est demeuré de lui que ce discours, encore par rencontre, et crains qu’il ne le vit jamais depuis qu'il lui échappa, et quelques mémoires sur cet édit de Janvier, fameux par nos guerres civiles, qui trouveront encore ailleurs peut-être leur place. C’est tout ce que j’ai purecouvrer de ses reliques, moi qu’il laissa, d’une si amoureuse recommandation, Ia mort entre les dents, par son testament, héritier de sa bibliothèque et de ses papiers, outre le livret de ses œuvres que j’ai fait mettre en lumière. Et si suis obligé particulièrement à cette pièce, d’autant qu’elle a servi de moyen à notre première accointance. Car elle me fut montrée longue pièce avant que je l’eusse vu, et me donna la première connaissance de son nom, acheminant ainsi cette amitié que nous avons nourrie, tant que Dieu a voulu, entre nous, si entière et si parfaite que certainement il ne s'en lit guère de pareilles, et, entre nos hommes, il ne s’en voit aucune trace en usage. II faut tant de rencontres à la bâtir, que c’est beaucoup si la fortune y arrive une fois en trois siècles.

 

Il n’est rien à quoi il semble que nature nous aie plus acheminés qu’à la société. Et dit Aristote que les bons législateurs ont eu plus de soin de l’amitié que de la justice. Or le dernier point de sa perfection est celui-ci. Car, en général, toutes celles que la volupté ou le profit, le besoin publique ou privé forgent et nourrissent, en sont d’autant moins belles et généreuses, et d’autant moins amitiés, qu’elles mêlent autre cause et but et fruit en l’amitié, qu’elle même.

 

Ni ces quatre espèces anciennes: naturelle, sociale, hospitalière, vénérienne, particulièrement n’y conviennent, ni conjointement.

 

Des enfants aux pères, c’est plutôt respect. (…)

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