French 321

Assignment: Corneille, Cinna, Acte IV, scène 3 Intro



[vers 1193-1216]:

AUGUSTE
Madame, on me trahit, et la main qui me tue
Rend sous mes déplaisirs ma constance abattue.
1195] Cinna, Cinna, Ie traître…

LIVIE
Euphorbe m’a tout dit,
Seigneur, et j’ai pali cent fois à ce récit.
Mais écouteriez-vous les conseils d’une femme?

AUGUSTE
Hélas ! de quel conseil est capable mon âme ?

LIVIE
Votre sévérité, sans produire aucun fruit,
1200] Seigneur, jusqu’à présent a fait beaucoup de bruit.
Par les peines d’un autre aucun ne s’intimide ;
Salvidien à bas a soulevé Lépide ;
Murène a succédé, Cépion I’a suivi ;
Le jour à tous les deux dans les tourments ravi
1205] N’a point mêlé de crainte à la fureur d’Egnace,
Dont Cinna maintenant ose prendre la place;
Et dans les plus bas rangs les noms les plus abjets
Ont voulu s’ennoblir par de si hauts projets.
Après avoir en vain puni leur insolence,
1210] Essayez sur Cinna ce que peut la clémence;
Faites son châtiment de sa confusion;
Cherchez Ie plus utile en cette occasion:
Sa peine peut aigrir une ville animée,
Son pardon peut servir a votre renommée ;
1215] Et ceux que vos rigueurs ne font qu’effaroucher
Peut-être avos bontés se laisseront toucher.


[vers 1217-1244]:

AUGUSTE
Gagnons-les tout à fait en quittant cet empire
Qui nous rend odieux, contre qui l’on conspire.
J’ai trop par vos avis consulté là-dessus ;
1220] Ne m’en parlez jamais, je ne consulte plus.
Cesse de soupirer, Rome, pour ta franchise :
Si je t’ai mise aux fers, moi-même je les brise,
Et te rends ton Etat, apres l’avoir conquis,
Plus paisibIe et plus grand que je ne te I’ai pris ;
1225] Si tu me veux haïr, hais-moi sans plus rien feindre ;
Si tu me veux aimer, aime-moi sans me craindre :
De tout ce qu’eut Sylla de puissance et d’honneur,
Lassé comme iI en fut, j’aspire a son bonheur.

LIVIE
Assez et trop longtemps son exemple vous flatte;
1230] Mais gardez que sur vous Ie contraire n’éclate :
Ce bonheur sans pareil qui conserva ses jours
Ne serait pas bonheur, s’il arrivait toujours.

AUGUSTE
Eh bien, s’il est trop grand, si j’ai tort d’y prétendre,
J’abandonne mon sang à qui voudra l’épandre.
1235] Après un long orage iI faut trouver un port;
Et je n’en vois que deux, Ie repos, ou la mort.

LIVIE
Quoi ? vous voulez quitter Ie fruit de tant de peines ?

AUGUSTE
Quoi ? vous voulez garder I’objet de tant de haines?

LIVIE
Seigneur, vous emporter à cette extrémité,
1240] C’est plutôt désespoir que générosité.

AUGUSTE
Régner et caresser une main si traîtresse,
Au lieu de sa vertu, c’est montrer sa faiblesse.

LIVIE
C’est régner sur vous-même, et par un noble choix
Pratiquer la vertu Ia plus digne des rois.


[vers 1245-1266]:

AUGUSTE
1245] Vous m’aviez bien promis des conseils d’une femme:
Vous me tenez parole, et c’en sont là, madame.
Après tant d’ennemis à mes pieds abattus,
Depuis vingt ans je règne, et j’en sais les vertus,
Je sais leur divers ordre, et de quelle nature
1250] Sont les devoirs d’un prince en cette conjoncture.
Tout son peuple est blessé par un tel attentat,
Et la seuIe pensée est un crime d’Etat,
Une offense qu’on fait à toute sa province,
Dont il faut qu’il la venge, ou cesse d’être prince.

LIVIE
1255] Donnez moins de croyance à votre passion.

AUGUSTE
Ayez moins de faiblesse, ou moins d’ambition.

LIVIE
Ne traitez plus si mal un conseil salutaire.

AUGUSTE
Le ciel m’inspirera ce qu’ici je dois faire.
Adieu: nous perdons temps.

LIVIE
Je ne vous quitte point,
1260] Seigneur, que mon amour n’aye obtenu ce point.

AUGUSTE
C’est l’amour des grandeurs qui vous rend importune.

LIVIE
J’aime votre personne, et non votre fortune.
Elle est seule.
II m’échappe : suivons, et forçons-le de voir
Qu’il peut, en faisant grâce, affermir son pouvoir,
1265] Et qu’enfin la clémence est la plus belle marque
Qui fasse à l’univers connaître un vrai monarque.


sarcophage
Sarcophage romain: mari et femme

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