11 Charles Baudelaire – “Cloche fêlée”
Ce dernier poème de Charles Baudelaire continue en quelque sorte les mêmes sujets et thèmes abordées en “Spleen”. Ici, on reprend l’image des cloches de “Spleen” :
Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement (vers 13-16).
Au cours de votre lecture de ce poème, comparez l’expression ici avec celle de “Spleen” – comment est-ce que les poèmes abordent des sujets similaires mais de manière différente ? Est-ce que l’un des poèmes réussit mieux l’expression poétique ?
La Cloche fêlée
II est amer et doux, pendant les nuits d’hiver,
D’écouter, près du feu qui palpite et qui fume,
Les souvenirs lointains lentement s’élever
Au bruit des carillons qui chantent dans la brume.
Bienheureuse la cloche au gosier vigoureux
Qui, malgré sa vieillesse, alerte et bien portante,
Jette fidèlement son cri religieux,
Ainsi qu’un vieux soldat qui veille sous la tente!
Moi, mon âme est fêlée, et lorsqu’en ses ennuis
Elle veut de ses chants peupler l’air froid des nuits,
II arrive souvent que sa voix affaiblie
Semble le râle épais d’un blessé qu’on oublie
Au bord d’un lac de sang, sous un grand tas de morts
Et qui meurt, sans bouger, dans d’immenses efforts.