Jean-Paul Sartre: Huis clos, 68-69 (“Il était à moi”)

Texte correspondant aux pp. 68-69 dans l’Édition de Gallimard (1947)

SCÈNE V

INÈS, GARCIN, ESTELLE

ESTELLE

Il était à moi.

INÈS

Rien n’est plus à toi sur la terre.

ESTELLE

Il était à moi.

INÈS

Oui, il était… essaye de le prendre, essaye de le toucher. Olga peut le toucher, elle. N’est-ce pas ? N’est-ce pas ? Elle peut lui tenir les mains, lui frôler les genoux.

ESTELLE

Elle pousse contre lui son énorme poitrine, elle lui souffle dans la figure. Petit Poucet, pauvre Petit Poucet, qu’attends-tu pour lui éclater de rire au nez ? Ah ! Il m’aurait suffi d’un regard, elle n’aurait jamais osé… est-ce que je ne suis vraiment plus rien ?

INÈS

Plus rien. Et il n’y a plus rien de toi sur la terre : tout ce qui t’appartient est ici. Veux-tu le coupe-papier ? Le bronze de Barbedienne ? Le canapé bleu est à toi. Et moi, mon petit, moi je suis à toi pour toujours.

 

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Français 322: Introduction à la littérature moderne (Gipson) Copyright © by jgipson. All Rights Reserved.

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