FR322: Le conteur chez Chamoiseau et Zobel
Assignment: FR322, Le conteur chez Chamoiseau et Zobel
Le conteur chez Chamoiseau et Zobel
Ce Critical Reader vous propose de découvrir les textes de deux écrivains originaires de la Martinique, Patrick Chamoiseau et Joseph Zobel. Veillez à lire (et relire) les extraits indiqués puis à faire les exercices proposés dans cette lecture interactive. N’oubliez pas non plus de bien lire TOUTES les questions, même quand elles ne sont pas notées : ces questions nourriront notre discussion en classe et compteront dans votre note de participation. Donc prenez des notes et apportez les en classe.
Bon courage !
Au temps de l’antan de Patrick Chamoiseau a été publié en 1988 et propose au lecteur de découvrir plusieurs contes de la Martinique. Ce Critical Reader porte sur l’un d’entre eux, “Le commandeur d’une pluie”, et vous permettra de mieux comprendre la pensée de Chamoiseau en vous livrant à plusieurs exercices.
Patrick Chamoiseau, Au temps de l’antan : Contes du pays Martinique. “Préface”
Cliquez sur les expressions surlignées en jaune et faites les exercices qui y sont associés.
O vieux paroleurs, maîtres de la blague, conteurs des hautes veillées, oui, vous cueilleurs du verbe dessous les désespoirs, je reprends la parole où vous l’aviez laissée, aussi libre et infidèle que vous l’étiez vous-mêmes (9)
Cliquez ici après avoir répondu à la question ouverte.
Les contes de la survie
XVIIe, XVIIIe siècles. En Martinique. D’abord, imaginer la nuit sur l’une de ces grandes plantations de canne à sucre appelées habitations. Les champs se sont vidés. En haut du morne, la maison blanche du maître a connu la lueur des soirées familiales, puis s’est éteinte sous l’emprise du sommeil. Tout dort : l’économe, les commandeurs, les dogues d’Europe et les petits chiens créoles.
Au bas du morne, dans le quartier des esclaves, un personnage émerge de l’une des cases à nègres. Des esclaves sont là, sous un vieil arbre, qui l’attendent, qui l’espèrent. Cet homme n’a pourtant rien de particulier ; d’âge mûr, il n’est ni plus ni moins insignifiant que les autres. Le jour, il n’est qu’un nègre de cannes qui travaille, souffre, transpire, et qui vit dans la crainte, la révolte ravalée.
Peut-être même est-il plus discret que plus d’un.
Mais la nuit, une exigence obscure dissipe sa lassitude, le dresse, l’habite d’une force nocturne et quasi clandestine : celle de la Parole dont il devient le Maître.
Cliquez ici après avoir répondu à la question ouverte.
Le Conteur créole est un bel exemple de cette situation paradoxale : le maître sait qu’il parle, le maître tolère qu’il parle, parfois même le maître entend ce qu’il dit ; sa Parole se doit donc d’être opaque, détournée, d’une signifiance diffractée en mille miettes sybillines. Sa narration tournoie sur de longues digressions humoristiques, érotiques, souvent même ésotériques. Son dialogue avec l’auditoire est incessant, ponctué d’onomatopées et de bruitages, qui visent autant à retenir l’attention qu’à ôter de son propos toute évidence alors dangereuse. Et, là encore, Edouard Glissant a raison de souligner que son projet est presque d’obscurcir en révélant. De former et d’informer dans l’hypnose de la voix ou le mystère du verbe.
Quand on sait, par exemple, qu’il n’a pas fallu moins d’une loi, d’une ordonnance, d’une circulaire ministérielle et d’un arrêté de gouverneur (1845-1846) pour que les maîtres-békés se décident à distribuer à chacun de leurs esclaves quelques livres de farine-manioc et deux-trois bouts de morue hebdomadaires, on comprend que nos Conteurs aient érigé la faim comme une lancinance du conte créole, et la nourriture, comme un obsessionnel trésor. Une fois le conte dit, notre Conteur s’empresse de se tourner en dérision, de montrer qu’il n’est rien, et surtout pas ceux dont il vient de parler : “On m’a donné un coup de pied et je suis venu jusqu’ici vous raconter tout ça…”
Eh bien ! c’est en hommage en cette stratégie que je n’ai pas voulu clarifier exagérément les contes que vous allez lire, et que j’ai demandé d’éviter le glossaire. Laissez faire, dessous les mots étranges, la magie souterraine, et, surtout, ne lisez ces histoires que la nuit (comme moi qui ne les ai écrites qu’à des heures de lune, par crainte d’être transformé en panier sans bretelles, ainsi que le prétendent les vieux Conteurs, amusés déjà de savoir que jamais, ho jamais, je n’irai vérifier… !).
Patrick Chamoiseau, “Le commandeur d’une pluie” (in Au Temps de l’antan : Contes du pays Martinique. Paris : Hatier, 1988)
Faut dire : dans ces temps de l’antan, la vie s’ouvrait encore sur quelque fleur du rêve. Cela permettait aux conteurs de bailler la parole avec des libertés étrangères aux mensonges. Ainsi, il fut conté une sécheresse de carême durant laquelle apparut un enfant qui invoquait la pluie. Le soleil avait donné dans des obstinations. L’on avait vu la terre des mornes se craqueler sur des vapeurs de racines mortes. L’on avait vu le ciel en éclat métallique où le moindre nuage se suicidait là même. Les fleurs les plus rouges s’étaient prises de feu dans des soupirs de soufre ; les autres, jaunes, blanches et orange, s’étaient muées en une paille ocre qu’éternuaient les boeufs, les mulets, les cabris et les poules, ménagerie exsangue auprès du deuil des sources. Il n’y avait plus, nulle part, aucune qualité de mouillure et c’était catastrophe. Les nègres ramenaient de la montagne une eau mélancolique destinée au biberon des marmailles, ou à l’huile religieuse des pères dominicains asséchée en cristaux. Et, sans vouloir vous attrister, l’on avait déterré des ignames pétrifiées, cueilli des oranges de calcaire, des goyaves vite brisées en poussières, des mangots calcinés de la fournaise secrète des larmes qui n’ont pièce eau. Les pères dominicains crurent l’île maudite quand une pâte de vinaigre remplaça leur bon vin. Ils sonnèrent dans la commune une manière de tocsin qui rameuta une négraille hébétée : pêcheurs avec des yeux de poisson égaré, bougres des champs assoiffés comme des écorces, vieux-corps entravés de rides profondes, femmes environnées d’enfants trop silencieux. La cloche débusqua aussi les Békés, colons blancs sous de grands parasols. Ils avaient quitté leurs bottines pour des sandales de corde, col ouvert, manches en tire-bouchon. Les femmes portaient une dentelle audacieuse, où la touffeur n’avait pas de prise. Malgré leurs maisons à véranda, leurs jarres de pluies anciennes, ils étaient pâles car la chaleur avait vicié la pénombre de leur chambre, étoilé leur porcelaine et leurs immenses miroirs. Depuis les hautes persiennes où ils quêtaient la brise, ils avaient contemplé, jour après jour, comme un brasier de leur richesse dans le roussi impardonnable des champs de canne à sucre. A cette populace, les pères dominicains dirent : “Il faudrait une pluie, prions pour l’appeler.” L’on pria ce que le ciel pouvait avoir de saints, de saintes, de dieux, de fils, de mères de dieu et de cousines. L’on invoqua même des noms qu’aucune religion n’avait sacrés, et maints diables nègres furent entraînés vers les cieux par la mégarde fervente. Il n’y eut aucune pluie. Les pères dominicains s’écrièrent : “Ooo, nous sommes perdus !”, et tout le monde se vit pleurer.
Joseph Zobel, La Rue Cases-Nègres. Paris: Présence Africaine, 1974 (1950).
Extraits de la page 54 à la page 59
Question 1 :
De la page 54 (“Ainsi, sur la simple intervention…) à la page 56 (jusqu’à “ma curiosité soient inapaisés”)
Question 2 :
De la page 56 (“En plus de Petit-Morne”) à la page 58 (jusqu’à “il faudrait pas.”)
Question 3 :
De la page 58 (“Nous connaissons”) à la page 59 (jusqu’à “attouchements maléfiques”)
Extraits de la page 90 à la page 102
Question 4 :
Page 90 (de “M’man Tine” à “l’appel de m’man Tine”)
Cliquez ici après avoir répondu à la question 4.
Question 5 :
De la page 90 (“Un soir, il commençait”) à la page 93 (jusqu’à “anxiété”)
Question 6 :
De la page 94 (“Finalement”) à la page 96 (jusqu’à “au fantastique”)
Question 7 :
De la page 96 (“Soudain, un cri”) à la page 99 (jusqu’à “les caractéristiques de la mort”)
Question 8 :
De la page 99 à la page 102
Réflexions et comparaisons
Colline ou montagne principalement dans une île ou sur un littoral
La capacité de se tirer d'affaire par ses propres moyens
Terme créole désignant les descendants des colons français dans les Antilles
La farine de manioc est une fécule que l'on consomme en Afrique.
Période de quarante-six jours située entre le mardi gras et le jour de Pâques, pendant laquelle les catholiques sont invités par leur Église à faire certains jours jeûne et abstinence et à se livrer à la prière et aux pratiques pénitentielles
plantes tropicales
chercher à obtenir des nouvelles de quelqu'un
le commencement, le début
vieil habit usé
enduit brillant