French 271
Assignment: Maupassant, Première neige
section 1: l’exposition
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La longue promenade de la Croisette s’arrondit au bord de l’eau bleue. Là-bas, à droite, l’Esterel s’avance au loin dans la mer. Il barre la vue, fermant l’horizon par le joli décor méridional de ses sommets pointus, nombreux et bizarres.
A gauche, les îles Sainte-Marguerite et Saint-Honorat, couchées dans l’eau, montrent leur dos couvert de sapins.
Et tout le long du large golfe, tout le long des grandes montagnes assises autour de Cannes, le peuple blanc des villas semble endormi dans le soleil. On les voit au loin, les maisons claires, semées du haut en bas des monts, tachant de points de neige la verdure sombre.
Les plus proches de l’eau ouvrent leurs grilles sur la vaste promenade que viennent baigner les flots tranquilles. Il fait bon, il fait doux. C’est un tiède jour d’hiver où passe à peine un rayon de fraîcheur. Par-dessus les mers des jardins, on aperçoit les orangers et les citronniers pleins de fruits d’or. Des dames vont à pas lents sur le sable de l’avenue, suivies d’enfants qui roulent des cerceaux, ou causant avec des messieurs.
section 2 et 3: l’ordre et la vitesse narratives
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Une jeune femme vient de sortir de sa petite et coquette maison dont la porte est sur la Croisette. Elle s’arrête un instant a regarder les promeneurs, sourit et gagne, d’une allure accablée, un banc vide en face de la mer. Fatiguée d’avoir fait vingt pas, elle s’assied en haletant. Son pâle visage semble celui d’une morte. Elle tousse, et porte a ses lèvres ses doigts transparents comme pour arrêter ces secousses qui l’épuisent.
Elle regarde le ciel plein de soleil et d’hirondelles, les sommets capricieux de l’Esterel là-bas, et, tout près, la mer si bleue, si tranquille, si belle.
Elle sourit encore, et murmure :
– Oh! que je suis heureuse.
Elle sait pourtant qu’elle va mourir, qu’elle ne verra point le printemps, que, dans un an, le long de la même promenade, ces mêmes gens qui passent devant elle viendront encore respirer l’air tiède de ce doux pays, avec leurs enfants un peu plus grands, avec le coeur toujours rempli d’espoirs, de tendresses, de bonheur, tandis qu’au fond d’un cercueil de chêne la pauvre chair qui lui reste encore aujourd’hui sera tombée en pourriture, laissant ses os seulement couchés dans la robe de soie qu’elle a choisie pour linceul.
Elle ne sera plus. Toutes les choses de la vie continueront pour d’autres. Ce sera fini pour elle, fini pour toujours. Elle ne sera plus. Elle sourit, et respire tant qu’elle peut, de ses poumons malades, les souffles parfumes des jardins.
Et elle songe.
Elle se souvient. On l’a mariée, voici quatre ans, avec un gentilhomme normand. C’était un fort garçon barbu, coloré, large d’épaules, d’esprit court et de joyeuse humeur.
On les accoupla pour des raisons de fortune qu’elle ne connut point. Elle aurait volontiers dit « non». Elle fit «oui » d’un mouvement de tête, pour ne point contrarier père et mère. Elle était Parisienne, gaie, heureuse de vivre.
Son mari l’emmena en son château normand. C’était un vaste bâtiment de pierre entouré de grands arbres très vieux. Un haut massif de sapins arrêtait le regard en face (…)
Pierre Bonnard, La baie de Cannes (1935)
FIN: Vérifiez les points que vous avez gagnés
lourde, trahissant la fatigue
en respirant rapidement
mouvements violents et répétés
morceau de tissu dont on enveloppe les morts