M. Ibrahim et les Fleurs du Coran : Brigitte Bardot (pp. 14-19)
Assignment: Monsieur Ibrahim et les Fleurs du Coran : pp. 27-33
Dans cette lecture interactive, nous allons étudier les thèmes qui apparaissent dans le roman de la page 27 (ligne 410) à la page 33 (ligne 535). Dans une première partie, nous reviendrons sur la promenade de Momo et Monsieur Ibrahim dans Paris et explorerons, à cette occasion, la géographie parisienne. Ensuite, nous examinerons le thème de la religion avant de nous pencher sur les relations qu’entretiennent Momo et son père.
Bon courage et n’oubliez pas de cliquer sur toutes les flèches et de compléter tous les exercices !
PARTIE I – La promenade dans Paris
– Momo, qu’est-ce que tu dirais de faire une promenade avec moi ?
– Ah bon, vous marchez des fois, monsieur Ibrahim ?
Et voilà, j’avais encore dit une connerie. Alors, j’ai ajouté un grand sourire.
– Non, je veux dire, je vous ai toujours vu sur ce tabouret.
N’empêche, j’étais vachement content.
Le lendemain, monsieur lbrahim m’emmena à Paris, le Paris joli, celui des photos, des touristes. Nous avons marché le long de la Seine, qui n’est pas vraiment droite.
– Regarde, Momo, la Seine adore les ponts, c’est comme une femme qui raffole des bracelets.
Puis on a marché dans les jardins des Champs-Élysées, entre les théâtres et le guignol. Puis rue du Faubourg-Saint-Honoré, où il y avait plein de magasins qui portaient des noms de marque, Lanvin, Hermès, Saint Laurent, Cardin… ça faisait drôle, ces boutiques immenses et vides, à côté de l’épicerie de monsieur lbrahim, qui était pas plus grande qu’une salle de bains, mais qui n’avait pas un cheveu d’inoccupé, où on trouvait, empilés du sol au plafond, d’étagère en étagère, sur trois rangs et quatre profondeurs, tous les articles de première, de deuxième… et même de troisième nécessité.
– C’est fou, monsieur Ibrahim, comme les vitrines de riches sont pauvres. Y a rien là dedans.
– C’est ça, le luxe, Momo, rien dans la vitrine, rien dans le magasin, tout dans le prix.
On a fini dans les jardins secrets du Palais- Royal où là, monsieur Ibrahim m’a payé un citron pressé et a retrouvé son immobilité légendaire sur un tabouret de bar, à sucer lentement une Suze anis.
– Ça doit être chouette d’habiter Paris.
– Mais tu habites Paris, Momo.
– Non, moi j’habite rue Bleue.
Je le regardais savourer sa Suze anis.
– Je croyais que les musulmans, ça ne buvait pas d’alcool.
– Oui, mais moi je suis soufi.
Bon, là, j’ai senti que je devenais indiscret, que monsieur lbrahim ne voulait pas me parler de sa maladie – après tout, c’était son droit ; je me suis tu jusqu’à notre retour rue Bleue.
PARTIE II – La géographie parisienne
Relisez l’extrait précédent dans votre livre (pp. 28-29) ou sur le Critical Reader et répondez aux questions ci-dessous :
A noter : on appelle la partie de Paris au nord de la Seine “la rive droite”, et la partie au sud “la rive gauche”.
PARTIE III – A la maison, Momo et les religions
– Ça doit être chouette d’habiter Paris.
– Mais tu habites Paris, Momo.
– Non, moi j’habite rue Bleue.
Je le regardais savourer sa Suze anis.
– Je croyais que les musulmans, ça ne buvait pas d’alcool.
– Oui, mais moi je suis soufi.
Bon, là, j’ai senti que je devenais indiscret, que monsieur lbrahim ne voulait pas me parler de sa maladie – après tout, c’était son droit ; je me suis tu jusqu’à notre retour rue Bleue.
Le soir, j’ai ouvert le Larousse de mon père. Fallait vraiment que je sois inquiet pour monsieur Ibrahim, parce que, vraiment, j’ai toujours été déçu par les dictionnaires.
“Soufisme : courant mystique de l’islam, né au VIIIe siècle. Opposé au légalisme, il met l’accent sur la religion intérieure.”
Voilà, une fois de plus ! Les dictionnaires n’expliquent bien que les mots qu’on connaît déjà.
Enfin, le soufisme n’était pas une maladie, ce qui m’a déjà rassuré un peu, c’était une façon de penser – même s’il y a des façons de penser qui sont aussi des maladies, disait souvent monsieur Ibrahim. Après quoi, je me suis lancé dans un jeu de piste, pour essayer de comprendre tous les mots de la définition. De tout ça, il ressortait que monsieur Ibrahim avec sa Suze anis croyait en Dieu à la façon musulmane, mais d’une façon qui frisait la contrebande, car « opposé au légalisme» et ça, ça m’a donné du fil à retordre… parce que si le légalisme était bien le «souci de respecter minutieusement la loi », comme disaient les gens du dictionnaire… ça voulait dire en gros des choses a priori vexantes, à savoir que monsieur lbrahim, il était malhonnête, donc que mes fréquentations n’étaient pas fréquentables. Mais en même temps, si respecter la loi, c’était faire avocat, comme mon père, avoir ce teint gris, et tant de tristesse dans la maison, je préférais être contre le légalisme avec monsieur lbrahim. Et puis les gens du dictionnaire ajoutaient que le soufisme avait été créé par deux mecs anciens, al-Halladj et al- Ghazali, qu’avaient des noms à habiter dans des mansardes au fond de la cour – en tout cas rue Bleue -, et ils précisaient que c’était une religion intérieure, et ça, c’est sûr qu’il était discret, monsieur Ibrahim, par rapport à tous les juifs de la rue, il était discret.
Pendant le repas, je n’ai pas pu m’empêcher d’interroger mon père, qui était en train d’avaler un ragoût d’agneau, tendance Royal Canin.
– Papa, est-ce que tu crois en Dieu ?
Il m’a regardé. Puis il a dit lentement :
– Tu deviens un homme, à ce que je vois.
Je ne voyais pas le rapport. Un instant même, je me suis demandé si quelqu’un ne lui avait pas rapporté que j’allais voir les filles rue de Paradis. Mais il ajouta :
– Non, je ne suis jamais arrivé à croire en Dieu.
– Jamais arrivé ? Pourquoi ? Faut faire des efforts ?
Il regarda la pénombre de l’appartement autour de lui.
– Pour croire que tout ça a un sens ?
– Oui.
Il faut faire de gros efforts.
– Mais papa, on est juifs, nous, enfin toi et moi.
– Oui.
– Et être juif ça n’a aucun rapport avec Dieu ?
– Pour moi ça n’en a plus. Être juif, c’est simplement avoir de la mémoire. Une mauvaise mémoire.
Et là, il avait vraiment la tête d’un type qui a besoin de plusieurs aspirines. Peut- être parce qu’il avait parlé, une fois n’est pas coutume. Il se leva et il alla se coucher directement.
Quelques jours après, il revint à la maison encore plus pâle que d’habitude. J’ai commencé à me sentir coupable. Je me suis dit qu’à force de lui faire bouffer de la merde, je lui avais peut-être détraqué la santé.
Il s’est assis et m’a fait signe qu’il voulait me dire quelque chose.
Mais il a bien mis dix minutes avant d’y arriver.
– Je suis viré, Moïse. On ne me veut plus dans le cabinet où je travaille.
Ça, franchement, moi, ça ne m’étonnait pas beaucoup qu’on n’ait pas envie de travailler avec mon père – il devait forcément déprimer les criminels – mais, en même temps, je n’avais jamais imaginé qu’un avocat ça puisse cesser d’être avocat.
– Il va falloir que je recherche du travail. Ailleurs. Il va falloir se serrer la ceinture, mon petit.
Il est allé se coucher. Visiblement, ça ne l’intéressait pas de savoir ce que j’en pensais.
Je suis descendu voir monsieur lbrahim qui souriait en mâchant des arachides.
– Comment vous faites, vous, pour être heureux, monsieur Ibrahim ?
– Je sais ce qu’il y a dans mon Coran.
– Faudrait peut-être un jour que je vous le pique, votre Coran. Même si ça se fait pas, quand on est juif.
– Bah, qu’est-ce que ça veut dire, pour toi, Momo, être juif ?
– Ben j’en sais rien. Pour mon père, c’est être déprimé toute la journée. Pour moi…c’est juste un truc qui m’empêche d’être autre chose.
Monsieur lbrahim me tendit une cacahuète.
– Tu n’as pas de bonnes chaussures, Momo. Demain, nous irons acheter des chaussures.
– Oui, mais…
– Un homme, ça passe sa vie dans seulement deux endroits : soit son lit, soit ses chaussures.
– J’ai pas l’argent, monsieur lbrahim.
– Je te les offre. C’est mon cadeau. Momo, tu n’as qu’une seule paire de pieds, il faut en prendre soin. Si des chaussures te blessent, tu les changes. Les pieds, tu ne pourras pas en changer !
PARTIE IV – Momo et son père
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Regardez la vidéo ci-dessus et réfléchissez aux différences qui existent entre l’extrait du livre et cette adaptation cinématographique. Sur une feuille, écrivez ce qui vous frappe (quelles scènes ont été rajoutées, lesquelles ont disparu, etc…) et essayez de comprendre pourquoi le réalisateur a fait de tels choix. Apportez vos notes en classe car nous en discuterons ensemble.