Corneille, Cinna (Acte IV sc 3) (FR 321)
Corneille, Cinna, Acte IV, scène 3 [vers 1245-1266]:
[vers 1245-1266]:
AUGUSTE
1245] Vous m’aviez bien promis des conseils d’une femme:
Vous me tenez parole, et c’en sont là, madame.
Après tant d’ennemis à mes pieds abattus,
Depuis vingt ans je règne, et j’en sais les vertus,
Je sais leur divers ordre, et de quelle nature
1250] Sont les devoirs d’un prince en cette conjoncture.
Tout son peuple est blessé par un tel attentat,
Et la seuIe pensée est un crime d’Etat,
Une offense qu’on fait à toute sa province,
Dont il faut qu’il la venge, ou cesse d’être prince.
LIVIE
1255] Donnez moins de croyance à votre passion.
AUGUSTE
Ayez moins de faiblesse, ou moins d’ambition.
LIVIE
Ne traitez plus si mal un conseil salutaire.
AUGUSTE
Le ciel m’inspirera ce qu’ici je dois faire.
Adieu: nous perdons temps.
LIVIE
Je ne vous quitte point,
1260] Seigneur, que mon amour n’aye obtenu ce point.
AUGUSTE
C’est l’amour des grandeurs qui vous rend importune.
LIVIE
J’aime votre personne, et non votre fortune.
Elle est seule.
II m’échappe : suivons, et forçons-le de voir
Qu’il peut, en faisant grâce, affermir son pouvoir,
1265] Et qu’enfin la clémence est la plus belle marque
Qui fasse à l’univers connaître un vrai monarque.