French 321
Assignment: Laclos, Les Liaisons dangereuses (lettre 141)
La Marquise de Merteuil au Vicomte de Valmont
Mon Dieu ! Vicomte, que vous me gênez par votre obstination ! Que vous importe mon silence ? croyez-vous, si je le garde, que ce soit faute de raisons pour me défendre. Ah ! plût à Dieu ! Mais non, c’est seulement qu’il m’en coûte de vous les dire.
Parlez-moi vrai ; vous faites-vous illusion à vous-même, ou cherchez-vous à me tromper ? la différence entre vos discours & vos actions ne me laisse de choix qu’entre ces deux sentiments : lequel est le véritable ? Que voulez-vous donc que je vous dise, quand moi-même je ne sais que penser ?
Vous paraissez vous faire un grand mérite de votre dernière scène avec la Présidente ; mais qu’est-ce donc qu’elle prouve pour votre système, ou contre le mien ? Assurément je ne vous ai jamais dit que vous aimiez assez cette femme pour ne la pas tromper, pour n’en pas saisir toutes les occasions qui vous paraîtraient agréables ou faciles : je ne doutais même pas qu’il ne vous fût à peu près égal de satisfaire avec une autre, avec la première venue, jusqu’aux désirs que celle-ci seule aurait fait naître ; & je ne suis pas surprise que, par un libertinage d’esprit qu’on aurait tort de vous disputer, vous ayez fait une fois par projet ce que vous aviez fait mille autres par occasion. Qui ne sait que c’est là le simple courant du monde, & votre usage à tous tant que vous êtes, depuis le scélérat jusqu’aux espèces ? Celui qui s’en abstient aujourd’hui passe pour romanesque, & ce n’est pas là, je crois, le défaut que je vous reproche.
Mais ce que j’ai dit, ce que j’ai pensé, ce que je pense encore, c’est que vous n’en avez pas moins de l’amour pour votre Présidente ; non pas, à la vérité, de l’amour bien pur ni bien tendre, mais de celui que vous pouvez avoir ; de celui, par exemple, qui fait trouver à une femme les agréments ou les qualités qu’elle n’a pas ; qui la place dans une classe à part, & met toutes les autres en second ordre ; qui vous tient encore attaché à elle, même alors que vous l’outragez ; tel enfin que je conçois qu’un sultan peut le ressentir pour sa sultane favorite, ce qui ne l’empêche pas de lui préférer souvent une simple odalisque. Ma comparaison me paraît d’autant plus juste que comme lui, jamais vous n’êtes ni l’ami, ni l’amant d’une femme ; mais toujours son tyran ou son esclave. Aussi suis-je bien sûre que vous vous êtes bien humilié, bien avili, pour rentrer en grâce avec ce bel objet ! & trop heureux d’y être parvenu, dès que vous croyez le moment arrivé d’obtenir votre pardon, vous me quittez pour ce grand événement.
certainement pas! il ne manquerait que ça!
j'ai de la peine de
charmes, beautés
la blessez, l'injurez
esclave au service des femmes du harem
abaissé, humilié