Laclos, Les Liaisons dangereuses (lettre 20)

Laclos, Les Liaisons dangereuses (lettre 20)

Aussitôt que vous aurez eu votre belle dévote, que vous pourrez m’en fournir une preuve, venez, & je suis à vous. Mais vous n’ignorez pas que dans les affaires importantes, on ne reçoit de preuves que par écrit. Par cet arrangement, d’une part, je deviendrai une récompense au lieu d’être une consolation ; & cette idée me plaît davantage ; & de l’autre, votre succès en sera plus piquant, en devenant lui-même un moyen d’infidélité. Venezdonc, venez au plus tôt m’apporter le gage de votre triomphe : semblable à nos preux chevaliers qui venaient déposer aux pieds de leur dame les fruits brillants de leur victoire. Sérieusement, je suis curieuse de voir ce que peut écrire une prude après un tel moment, & quel voile elle met sur ses actions, après n’en avoir plus laissé sur sa personne. C’est à vous de voir si je me mets à un prix trop haut ; mais je vous préviens qu’il n’y a rien à rabattre. Jusques-là, mon cher vicomte, vous trouverez bon que je reste fidèle à mon chevalier, & que je m’amuse à le rendre heureux, malgré le petit chagrin que cela vous cause.

License

CS/CR - UW-Madison French Department Copyright © by UW-Madison Department of French and Italian. All Rights Reserved.